Le tuishou peut se traduire par « poussée des mains ». Il est aussi connu sous le nom de « mains collantes » en référence au contact qu'il convient de garder pour une pratique correcte. Il peut être « à pas fixes » (les pieds ne bougent pas) ou « à pas mobiles » (en déplacement).
Il est souvent considéré comme un premier pas vers la dimension martiale mais l'apprécier uniquement selon cette focale est très réducteur. En effet, l'étude du tuishou permet d'aborder de nombreux aspects que la pratique de la forme seule effleure à peine, l'enrichissant comme la forme enrichit le tuishou.
Le maître Zheng Manqing suggérait de rechercher dans le tuishou les solutions aux problèmes que l'on rencontrait dans la forme et dans la forme les solutions aux problèmes que l'on rencontrait dans le tuishou.
On peut distinguer trois volets dans la pratique du tuishou :
Certains se pratiquent seuls, d'autres à deux. Ils permettent de comprendre les fondamentaux du tuishou. Comment réagir à une poussée ? Comment s'enraciner ? Comment esquiver ? Leur répétition dynamique va permettre de commencer à sentir l'importance de l'inertie et son exploitation à travers le relâchement.
Il se pratique sans déplacement. Les pieds doivent rester immobiles. Cette contrainte impose de libérer la partie haute du corps de ses tensions pour pouvoir créer le vide et priver le partenaire d'appuis où il pourrait appliquer ses poussées.
Ce travail va permettre d'améliorer la qualité de notre enracinement dans un jeu d'équilibre avec un partenaire. Il devient possible de lui renvoyer la force qu'il exerce afin de le déstabiliser.
C'est également à travers cette pratique que va se mettre en place la compréhension du lâcher prise. Comment se laisser pousser et amener le partenaire à tomber dans le vide créé par notre relâchement ?
Ce sera également l'occasion de prendre conscience du rapport direct entre la qualité des racines et la capacité à se vider sous la poussée. Si les gonds d'une porte sont bien huilés, forts et biens fixés, la porte sera plus solide et tournera facilement. Si ils sont petits et mal fixés, même s'ils sont bien huilés, la porte ne tiendra pas bien et tournera plus laborieusement.
Enfin, cet exercice nécessite d'améliorer l'écoute du partenaire afin de déceler au plus tôt ses intentions.
Une fois les principes de relâchement et d'enracinement compris, le déplacement va améliorer l'unité entre le haut et le bas en permettant de comprendre, comment une poussée sur le haut du corps peut entraîner un déplacement global.
Cet exercice permet également d'enrichir considérablement l'intégration des techniques de la forme dans le tuishou. En effet, nombre de ces techniques ne peuvent s'exécuter correctement qu'en déplacement.
Plus encore que les applications martiales qui sont très codifiées, du moins dans les premiers temps, le tuishou va nécessiter de travailler sur ses appréhensions.
La première, est comme pour les applications martiales, celle du contact. Ce dernier peut être d'autant plus perturbant qu'il nous implique davantage que dans le cadre des applications martiales, notamment parce qu'il est permanent, mais aussi parce qu'une part importante de l'exercice va consister à écouter son partenaire, c'est-à-dire à porter une grande attention à son contact pour essayer de lire son intention.
Une seconde, est la peur de lâcher prise. Non seulement le partenaire est en contact mais le travail correct du tuishou implique de lui laisser l'initiative du mouvement dans l'idée de lui donner l'impression qu'il contrôle la situation. Cela signifie qu'il faut le laisser s'avancer suffisamment et laisser le mouvement se faire tout seul, en gardant comme seule préoccupation celle de rester structuré et en équilibre comme un rideau qui laisserait passer la poussée.
Ce travail va améliorer notre capacité à faire face à des situations imprévues, affermir notre racine et lâcher le haut du corps.
Au fur et à mesure de la progression dans le relâchement et dans l'exploitation des initiatives du partenaire, on en arrive à lire celles qui ne sont pas réellement volontaires de sa part, celles qui résultent de ses tensions.
Une troisième, est la peur de perdre. Celle-ci est liée à la précédente mais nécessite tout de même d'être identifiée car la volonté de ne pas perdre se traduit bien souvent par des tensions importantes qui compromettent les objectifs de la pratique.
Si l'on craint la défaite, comment se relâcher ? Comment lâcher prise et laisser à l'autre l'initiative ?
Si l'on s'autorise à perdre, il devient possible de prendre conscience de nos points les plus faibles et de chercher des réponses appropriées.
Maître Wang Yen Nien répétait souvent, lors de ses stages, qu'il fallait « investir dans la perte » pour progresser plus rapidement.
Une fois le contact établi et les premières appréhensions contrôlées, le travail du tuishou va permettre d'améliorer grandement la qualité de notre relâchement, de notre axe, de notre enracinement.
Tout seul, il est difficile d'avoir une sensation exacte de ces points. Les épaules que nous considérions comme relâchées il y a dix ans nous auraient semblé au contraire bien tendues si nous les avions appréciées du même regard que celui que nous avons acquis une décennie plus tard.
Atténuant la finesse de nos sensations, les tensions participent à l'affaiblissement de notre capacité à les ressentir, se masquant elles-mêmes. En tuishou, le partenaire nous soumet à des stimulations qui vont nous informer sur notre état de tension de façon plus nette.
Un peu comme dans le travail d'enracinement en posture de l'arbre, où une douleur musculaire est une piste pour améliorer la répartition de l'effort, un déséquilibre en tuishou est un indicateur très intéressant, qui nous informe de l'état de notre relâchement, de notre axe, de la répartition de notre poids.
Le tuishou, grâce à l'intervention d'un partenaire dans un échange codifié ou non, donne des informations beaucoup plus claires et évidentes que la pratique en solo sur des notions aussi fondamentales que l'axe, le relâchement, l'enracinement.
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